Karim H. Karim and Mahmoud Eid

La thèse du choc des ignorances présente une critique de la théorie du choc des civilisations. Elle met en question les présuppositions selon lesquelles les civilisations sont des entités monolithiques qui n’interagissent pas et le Soi et l’Autre toujours opposés. Malgré de considérables différences de valeurs et plusieurs chocs enregistrés entre les civilisations musulmane et occidentale, elles se chevauchent cependant de plusieurs façons et ont démontré par le passé leur capacité d’interagir de manière fructueuse. La thèse du choc des ignorances propose une importante contribution à la compréhension de la communication interculturelle et internationale ainsi qu’à l’étude des relations inter-groupales dans divers domaines de recherche. Notamment par l’examen des obstacles les plus significatifs à l’interaction positive entre les groupes en question. Cette thèse s’intéresse particulièrement au problème de l’ignorance que d’autres approches épistémologiques n’ont pas suffisamment soulevé. Alors que la critique de l’Orientalisme s’occupe de la construction hégémonique du savoir, le paradigme du choc de l’ignorance élargit l’espace de son investigation pour inclure divers acteurs dont la distorsion des connaissances respectives promeut le conflit de manière constitutive. Ce même paradigme développe également le modèle pouvoir-savoir en vue de proposer des outils conceptuels et analytiques pour comprendre l’exploitation de l’ignorance aux fins d’accroître le pouvoir de certains groupes ou individus. Là où chercheurs, législateurs, experts et chefs religieux n’ont fait que référer au concept du choc des ignorances, cet essai tente en revanche de contribuer à son développement comme théorie en vue de proposer un fondement valide pour expliquer les données empiriques réunies des diverses études pertinentes.